- you know me ? i am fucking very hot - « MEMORY IS A CURSE MORE OFTEN THAN A BLESSING.. » On peut lire toutes sortes d’émotions sur un visage. C’est vraiment merveilleux de pouvoir décrypter nos ressentis, rien que par l’intermédiaire de plus d’une dizaine de muscles. Les lèvres qui s’étirent et forment un sourire. Le front qui se plisse et marque l’inquiétude, l’incertitude. Les yeux qui délivrent en un clignement leurs perles salés. Et représentent la douleur. Su Ah fait partie de ces personnes qui portent la souffrance, comme on porte le bonheur. C’est comme si, oui, à elle seule, elle portait le poids du monde et de ses malheurs sur son visage.
Su Ah c’est le genre de personne que vous croisez tous les jours mais dont la beauté, même furtive, vous prends aux tripes. Pas que sa beauté vous renverse, mais disons qu’elle vous capture, dans ses bras assassins, elle vous fait tourner la tête, puis vous laisse tomber hagard et dépossédé de toute vanité. Su Ah, c’est comme une sangsue. Elle vous dépossède de votre bonheur comme on l’a dépossédée du sien. Comme si en vous rendant malheureux, elle regagnait sa fierté.
On dit que pour maîtriser une chose, il faut en comprendre toutes les lois qui la régissent. C’est pareil pour Su Ah, c’est en la connaissant comme elle vous connait que vous arriverez à disséquez ce mécanisme de vie trop complexe pour mourir, trop beau pour vivre. Su Ah c’est un ange, une comète de Haley qui ne vit que quelques années avant de redevenir poussière et de réapparaître pour le plaisir du prochain siècle.

Malmenée par la vie, née de l’union éphémère d’un père fuyard et d’une mère responsable et attentionnée mais malade, la jeune fille ne passa avec sa mère que quelques années de joies et de bonheur avant de la voir peu à peu se détruire. Lassée par les hôpitaux, la chair de sa chair, se consumait, le nez dans la coke, l’esprit ailleurs. Sous les yeux d’une gamine de trois ans qui se rappelle dans quelques flash-back des abus de sa mère et d’une table blanche après chaque rail.

A sept ans elle connaît le système de placement des orphelins comme ça poche et c’est avec un regard plein d’amertume qu’elle découvre son monde. Baladée de famille en famille, de foyer en foyer, elle erre dans les rues sombres de Séoul. Plus rien ne l’effraie, plus rien ne la fait sourire. Plus rien ne l’étonne, plus rien ne la rend triste. Gorgée de la tristesse du monde, elle suit la vie comme on suivrait la mort, ne s’attendant jamais à être surprise toujours déçue.

Il y a de ces histoires d’amours qui ne seront jamais mieux comprises que par soi-même. Ignorant volontairement les codes rigides d’une société qui nous entravent, certaines personnes sont prêtes à tout pour conserver le peu de bonheur qui s’offre à elle. Quitte à perturber tout un monde. Car oui on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Encore moins quand on s’appelle Su Ah et que l’on affronte avec peur et révolte sa quinzième famille d’accueil. Alors on découvre des sourires figés, des regards sincères et des personnalités que l’on doit apprivoiser. Certaines décrochent facilement votre affection et d’autres avec patience finissent par enflammer votre cœur. C’est ainsi que l’histoire de Su Ah et Yunsu débuta. Une belle histoire aux accents de désespoir et d’inceste. Une histoire qui restera à jamais coincé dans le cœur des protagonistes.

Mais avant de grimper jusqu’au sommet, il faut s’assurer d’avoir une base solide. La base qui avait scellé l’amour que Yunsu portait à sa demi-sœur, s’appelait la différence, la haine. Ce fut dans la rancune et la violence que cette union pour le moins difforme débuta. Personne n’a jamais connu les véritables raisons qui les ont poussés à se jeter dans la gueule du lion, la plupart des personnes autour d’eux les voyaient toujours comme ces deux frères et sœurs qui ne pouvaient pas se voir en peinture. Trop renfermée, trop asociale, trop triste, Suah était la parfaite opposée de son demi-frère. Et pourtant.
Leur idylle dura un an. Elle commença au printemps et s’acheva en hiver, lui migrant, comme une hirondelle vers les pays chauds. L’Amérique allait être son refuge, la Corée son enfer. Il allait vivre, elle allait mourir. Inlassablement, à petit feu on la tuerait, comme une pécheresse, elle devrait se repentir de ses actes. Et son châtiment, resterait le pire que l’on puisse concevoir lorsqu’on a dix-sept ans. Le viol.

Abusée par la vie et maintenant par son père adoptif, la seule image paternelle rassurante qu’elle connut durant toute son adolescence, celui-ci la brise. Une fois de plus, une fois de trop. Armée du regard de plus en plus acide qu’elle porte sur le monde, elle le laisse faire. Ses abus ne sont plus que quelques corvées que l’on doit faire par semaine et qu’elle expédie avec la servitude la plus détestable. Ancrée dans une autre réalité, elle touche à tout. Oubliant les abus de son père, la faiblesse de son cœur, l’absence de celui qu’elle aime.

La scène aurait dû se dérouler comme dans les films. L'avion qui décolle, le fondu et le fameux « One year later. » qui apparait puis disparait. Le tout s'ouvrant sur un barbecue familial et les rires des protagonistes. Une famille heureuse et deux amants qui se retrouvent. Si vous cherchiez une fin heureuse, alors vous vous êtes trompés de film. Oui il y a eu la scène de l'aéroport, sauf que dans cette scène, elle l’a supplié de ne pas le quitter. Et malheureusement, il est monté dans l'avion. Oui il y a eu un barbecue familial et oui les rires et la bonne humeur étaient au rendez-vous. Mais ce que vous ignorez c'est que Yunsu n’est pas revenu seul. Mademoiselle fait son apparition. Et dans son ventre, la nouvelle la plus infâme de l'humanité. Un bébé. Bé-bé deux syllabes, identique, le renouveau d'une génération. La destruction d'une passion. Bé-bé.

Puis c’est une nouvelle ellipse. Celle qui nous révèle que la brune est partie laissant derrière l’amour de sa vie. Personne n’a jamais cherché à la retrouver. Après tout, à quoi bon ? Comme dit l’ancienne mère à la base si dévouée, si l’arbre est pourri, les fruits le seront aussi. On laisse Su Ah évoluait dans un autre environnement. Loin des abus, de l’amour et de la haine, elle commence doucement à revivre, épaulée par un nouveau demi-frère déjanté et des parents souvent absents mais aimants. Les papiers d’adoptions furent vite signés. On ne parle plus que d’elle, la dernière Baek. La pomme pourrie, l’erreur de la nature. La femme blessée, la femme malmenée et mal aimée. Qui commence à revivre, enfermée dans certains clichés. Celui de la petite sœur, qui chaque soir après les cours, armée d’une pomme, pour créer l’illusion qu’elle prend soin d’elle, et de toutes les cochonneries qu’elle finira par trouver dans le placard, va s’installer dans la chambre de son frère pour mater des films d’horreurs. Parce qu’elle a toujours fait ça. Et que dans la vie des filles comme Su Ah la stabilité et la routine, c’est sacré..